Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article RESIDUAE PECUNIAE

RESIDUAE PECUNIAE. Ce mot désigne en droit romain les deniers publics dont un magistrat est redevable envers l'Etat quand il a rendu ses comptes de gestion. Le refus de les verser au trésor constituait un délit analogue au péculat et qui fut sans doute, à l'origine, poursuivi et puni de la même manière [PECULATUS]'. Une loi Julia, de César ou d'Auguste, qui est donnée comme différente de la loi générale Julia sur le péculat', adoucit la peine : pendant un an après la fourniture des comptes, le magistrat est considéré comme un simple débiteur; il tombe ensuite sous le coup d'une action publique qui comporte outre le remboursement et l'infamie, une amende pénale du tiers de la somme L'action principale subsiste contre les héritiers qu'atteint, contrairement aux règles générales, même l'amende pénale'. Cette peine est aussi appliquée contre l'emploi illégal de sommes allouées par l'Etat'. Dans le droit municipal, d'après la loi de Malacaa, le comptable de deniers publics et ses héritiers doivent, dans les trente jours qui suivent la fin du mandat, rendre leurs comptes et verser le reliquat; autrement, ils encourent une action publique avec le remboursement au double [MAGISTRATUS MUNICIPALES, p. 1542]. Cu. LÉCRIVAIN. ïµo'etoarpdpoç. Cordier, fabricant et marchand de cordes'. 1. Sur les matières végétales dont les anciens se servaient pour fabriquer leurs cordes Pline, nous a conservé des détails évidemment puisés à bonne source2. Les principales étaient les suivantes : 1° Le lin ()slvw, linum). Nous n'avons rien à dire ici de la culture et de la préparation de cette plante [LINUM]. Il convient seulement de remarquer que les Grecs l'employèrent très anciennement dans la corderie, comme l'indique un témoignage de Pline à propos d'Homère'. 2e Le jonc (ayoivoç, junces) a dû rendre les mêmes services de très bonne heure; car le mot par lequel on désigne cette plante désigne également la corde qui en est faite, et a donné naissance au nom du cordier, 07otvo7tÀdxo;'. Deux variétés surtout étaient appréciées ; le jonc bXdaxotvoç (scirpus holoschoenus L.), plus charnu et plus souple, et le jonc mariscus, très employés aussi l'un et l'autre dans la vannerie [VIMINARIUS] 5. 3° Le chanvre (xdvvxôt;, cannabis) « si utile à la fabrication des cordages, dit Pline, s'arrache après la vendange; on le teille dans les veillées. Le meilleur est celui d'Alabanda (Carie), dont on se sert surtout pour faire des filets [RETE] et qui offre trois variétés : la filasse, la plus voisine de l'écorce ou de la moelle, est la moins bonne ; la plus estimée est celle du milieu, nommée, pour cette raison moyenne ((itéa7), mesa). On place au second rang le chanvre de Mylasa (Carie). Pour la taille, celui de Rosea, dans la campagne Sabine, égale la hauteur des arbres a. » Il est encore question, dans les textes, d'une plante dite ),Euxéa, ÀEUxdXtvov', ou « lin blanc », dont l'identification est mal établie. Suivant certains savants, ce ne serait pas un lin, mais un chanvre, parce que le lin ne serait pas assez résistant pour qu'on en puisse former au moins les plus grosses cordes, telles que les câbles nécessaires à la marine et à certaines industries. Quant à l'étoupe (attitrr(, stuppa), ce n'est autre chose, comme on sait, que la partie du chanvre la plus grossière; il n'est pas douteux que les cordiers l'utilisaient comme le reste [STUPPATOR] s. 4° La feuille du palmier (poivtrç, palma) fournissait la matière de cordes excellentes ; elles passaient pour résister mieux que les autres à l'action de l'eau. On en faisait un grand usage dans tout l'Orient et les Grecs ne l'ignoraient pas On cueillait les feuilles après la moisson; on les faisait sécher sous un abri pendant quatre jours, puis on les étendait au soleil; on les laissait à l'air pendant la nuit, jusqu'à ce qu'elles fussent sèches et blanches, après quoi on les fendait pour les mettre en oeuvre '° 5° II faut citer encore les membranes qui tapissent le bois du tilleul (tpi1,1px, tilia), en-dessous de l'écorce, quoique les cordes fabriquées avec cette matière RES 847 R ES aient été beaucoup moins communes que les autres'. 6° Les déchets du papyrus, inutilisables pour la papeterie, avaient leur emploi dans plusieurs autres industries [PAPYRUS] : avec l'écorce la plus épaisse, impropre à recevoir l'écriture, on tressait notamment des cordes très solides, qui rendaient de grands services aux Orientaux. Antigone, roi de Syrie, n'en avait pas d'autres dans sa marine 2. 7° La cordelette de paille (stramentum), appelée par les Romains napura, n'était qu'un article rustique ; on en faisait des liens pour les pores 8° Entre toutes les matières végétales aucune, le chanvre excepté, ne pouvait entrer en comparaison, à l'époque romaine, avec le sparte (7i3, spartum). Mais il ne fut pas connu en Grèce et en Italie avant les guerres puniques, du moins comme matière d'un usage courant. II y a, sur ce point, une tradition qui remonte à l'antiquité mème, qui a été recueillie par Varron et par Pline, et contre laquelle il serait hasardeux de s'inscrire en faux'. Le sparte, disent ces auteurs croissait spontanément en Afrique; de là, les Carthaginois le transportèrent en Espagne, quand ils furent devenus maîtres de ce pays, et enfin les Romains, à leur tour, l'adoptèrent, et le répandirent dans tout le monde ancien. Certains savants modernes identifient le spartum avec le genêt d'Espagne (stipa tenacissima L.). Il est plus que probable que cette plante n'est autre chose que l'alfa (lyfjeum spartum L.), que l'Algérie nous fournit aujourd'hui en si grande quantité et qui a repris un des premiers rangs dans notre « sparterie » 6. Pour l'arracher, comme elle est très dure et coupante, on se couvrait les jambes avec des guêtres [OCREAE ], les mains avec des gants [MANICAE], et on tirait sur les tiges en les roulant autour d'un os ou d'un bâton. Après les avoir éparpillées au soleil pour les sécher, on les faisait rouir (macerare) dans de l'eau, de préférence dans de l'eau de mer ; on les battait au maillet (tundere, malleare), avant de les mettre en oeuvre; pourtant on pouvait aussi se dispenser de cette dernière opération et employer le sparte non battu (crudum)'. La réputation des cordes de sparte sous l'Empire était universelle ; Pline s'émerveille de ce que le sparte, qui sert en tous pays pour le gréement des navires, les machines de constructions et tous les autres besoins de 1 existence°, soit le produit d'un territoire de la côte de Carthagène, qui a cent milles de longueur sur trente de largeur : les frais de transport, dit-il, en seraient trop élevés, si on le tirait de plus loin. On peut douter du fait et de la raison qu'il en donne. Déjà Caton ° mentionne les cordes de sparte que l'on fabriquait à Capoue. L'artisan qui tressait le sparte portait à l'époque impériale le nom spécial de e7tapto7tXéxoç ou e7taprotrOlt'0. A sa profession se rattachait aussi très souvent la fabrication des filets [RETE] et de tous les articles de vannerie [vIMINARIUS]. 9° En Orient, les cordes en poils de chèvre et de chameau ont dû être de tout temps aussi communes qu'elles le sont aujourd'hui. L'Édit de Dioclétien fixe à dix deniers (0 fr. 35 environ) le prix maximum de la livre de poils (327 gr 45) façonnée pour cet usage ". 10° Dans certains gros travaux qui exigeaient un grand déploiement de force, on adaptait aux machines des câbles formés de lanières de cuir (lora), tordues ensemble; c'était ce qu'on appelait funes lorei. Dans une exploitation rurale, par exemple, cette catégorie comprenait surtout les funes torculi destinés au pressoir [TORCULAR, OLEA, fig. 5388], et les cordes nécessaires au chargement des plus lourds chariots. Caton nous a laissé des renseignements précis touchant la préparation des cuirs avec lesquels on fabriquait ces accessoires" Il. Ce que nous ne connaissons guère, ce sont les procédés usités en général dans les ateliers pour la fabrication même des articles de corderie. Il est vrai qu'on peut, à la rigueur, fabriquer à la main, sans le secours d'aucun appareil, une corde grossière. C'est ainsi que les artistes de l'anti quité ont représenté le légendaire Ocnos, tordant entre ses doigts 13 la corde que son âne mange à mesure (fig. 5926); mais il est peu probable que l'on se contentât ordinairement d'un procédé aussi lent et aussi primitif. Et, en effet, quelques textes " nous montrent, quoique en termes peu explicites, que les anciens ont connu l'appareil très simple appelé « rouet », dont on se sert encore aujourd'hui dans les campagnes et les petites villes. On ne peut guère se figurer autrement eu66Atov, « que l'on fait tourner pour la torsion des ration commençait, comme aujourd'hui, par la formation du fil simple ou « fil de caret » I),:vov) avec les filaments que l'ouvrier conduit doucement entre le pouce et l'index en marchant à reculons : c'était là la première unité [STUPPATOR]. Puis trois fils de caret « commis », c'est-à-dire assemblés et tordus ensemble (cup.zaaEw, euparÀéxEty, torquere), formaient un « toron » (Tévoç, RES 848 RES x(;dnov, torus). Trois torons assemblés formaient le câble dit pour cette raison évvcxatvcç, puisqu'il comprenait neuf fils de caret. C'était là l'article de grosseur moyenne. Mais on pouvait aller jusqu'à quinze fils par toron, ce qui donnait des cordes à quarante-cinq fils (7ccvTExxtreeaxp«xov'r tvot). Enfin, comme dans nos ateliers, il y avait aussi des torons à quatre fils, d'où les câbles à douze et à seize (ômÔExâ),tvot et 'exxztOExUÀtvnt) '. Il est regrettable que les monuments figurés ne nous soient ici d'aucun secours. On ne peut alléguer qu'une peinture égyptienne (fig. 5927), où sont représentés des cordiers à l'ouvrage ; au fond sont suspendus contre un mur des paquets de cordes, finies et enroulées ; un ouvrier assis tient l'extrémité d'une corde, qu'un de ses camarades debout est en train de tordre avec l'aide d'un instrument que l'on n'a pu encore identifier 2. Parmi les principaux centres de cette industrie, si nécessaire surtout aux peuples navigateurs, on cite au ve siècle Marathon ; l'air y retentissait des chansons dont les cordiers accompagnaient leur travail'. Au temps de Caton, Capoue était le grand entrepôt de la corderie, principalement de celle qui se fabriquait avec le sparte 4. Carthagène et d'autres villes d'Espagne, sous l'Empire, tiraient aussi des revenus importants de cet article de commerce, brut ou fabriqué fi. A Rome même, les restiones étaient assez nombreux pour former une corporation ; l'inscription qui nous en a conservé le souvenir provient vraisemblablement de la sépulture commune à ses membres'. Auguste, s'il faut en croire une tradition maligne, comptait parmi ses ancètres un cordier de Thurium7. Labérius avait écrit un mime intitulé